Opérationnels dès 6 heures du matin, nous nous mettons au travail avant que le soleil ne nous assomme. Dès 7 heures, la température grimpe en flèche et devient vite intenable.
Aujourd’hui, nous nous concentrons sur l’opération de ré-emballage qui consiste à remettre dans des big bags neufs les anciens filets de pêche rassemblés en 2019. Ces filets de pêche pèsent beaucoup plus lourd que les plastiques durs, ce qui complique le déplacement des sacs une fois remplis.
La plage mesure plus de 2 km de long, et nous n’avons qu’un seul point de passage possible pour franchir le récif : la passe étroite qui nous permet d’évacuer les déchets. Même avec notre système de barge, c’est un vrai sport de tracter le convoi du Sud au Nord ou du Nord au Sud dans les 50 cm d’eau qui recouvrent le plateau corallien à quelques mètres du rivage. À cette épreuve, Baptiste et Maxime sont devenus spécialistes. Ils parcourent la plage sans jamais s’arrêter, en chargeant et en déchargeant les sacs remplis de déchets triés pesant chacun en moyenne 100 kg. Ces sacs de filets sont extrêmement lourds et encombrants. Nous ne pourrons pas les recycler à bord, tout comme les bouées qui sont pour la plupart encore en bon état et qui ne seront donc pas broyées ou transformées. Pour ces deux types de déchets, nous avons une solution : les confier au navire néo-zélandais qui est censé passer dans 24 heures pour nous aider à transporter une partie des déchets jusqu’à Pitcairn, où nous nous retrouverons dans quelques jours. Nous avançons donc avec cet espoir malgré la fatigue qui commence à s’accumuler et la frustration générée par le sentiment que les choses avancent bien trop lentement.
Les sacs s’accumulent au niveau du point de passage. Les centaines de bouées s’entassent à différents endroits de la plage. Nous les déterrons du haut du rivage pour les attacher entre elles à l’aide de cordes trouvées sur la plage. En 2019, 1200 bouées ont été comptées. Aujourd’hui, nous en comptons plus de 1500. Les guirlandes constituées recouvrent littéralement le rivage. On s’y emmêle les pieds, et nos jambes se heurtent aux lourdes bouées déplacées violemment par les vagues.
En plus des bouées et des sacs de déchets plastiques lourds, Hanna réalise des relevés scientifiques sur une partie « préservée » de la plage. « Préservée » car nous n’avons pas le droit d’y ramasser les déchets tant que le protocole n’est pas entièrement complété. Hanna réalise des « transects » (relevés le long d’une ligne perpendiculaire au rivage et à plusieurs emplacements) et des « quadrants » (mesures et classement des macro et microplastiques sur plusieurs surfaces de 1 mètre carré dans le sable). Pour compléter ce protocole, on relève la position de plusieurs déchets laissés délibérément par d’autres scientifiques lors des expéditions précédentes pour étudier leur déplacement potentiel sur la plage à travers les années. Cinq ans plus tard, une chasse au trésor s’opère pour retrouver ces 15 objets. La moitié est retrouvée exactement au même endroit, le reste a disparu (désintégré ou emporté par les vagues ou les rares visiteurs). L’île est un tombeau éternel pour les déchets qui arrivent jusqu’ici. Une publication scientifique est prévue pour détailler les résultats de ces mesures (à venir bientôt !). Il était inimaginable de passer 7 jours sur cette île unique au monde sans enrichir la recherche scientifique que peu de données documentent à ce jour.
À midi, une pause bien méritée à l’ombre de notre camp nous redonne de l’énergie et de la motivation. Nous allons pouvoir extraire quelques big bags remplis de déchets plastiques durs que l’on va transformer directement à bord de notre atelier flottant. En quelques heures et après 3 allers-retours avec notre système de plateforme, nous parvenons à évacuer 12 Big Bags de plastique de la plage. Une petite victoire pour une longue journée qui est loin d’être terminée. Car après les filets et les bouées, on s’attaque aux DCP (radeaux flottants faits de bambous ou de tubes en PVC traînant des filets et des cordages qui ont pour but de créer des écosystèmes de vie en surface au milieu de l’océan). Les DCP sont libérés et tracés par les navires de pêche mais parfois laissés à l’abandon. L’île Henderson est située au milieu de l’une des zones protégées les plus étendues du monde. La pêche n’y est pas autorisée à moins de 200 milles nautiques de ses côtes. Ces DCP ont donc beaucoup voyagé. Chacun pèse environ 200 ou 300 kg et il faut les découper au couteau un par un. Les filets, restés trop longtemps au soleil, s’éparpillent en petits morceaux lorsque nous les découpons. Les récupérer et tamiser le sable est une étape qu’il faut souvent rajouter et qui rend le travail encore plus long. C’est une nouvelle épreuve physique qui termine de nous achever. Mais à la tombée de la nuit, tout est prêt pour charger le Silver Supporter à son arrivée demain. Et le bilan de cette troisième journée passée sur l’île est énorme :
- 1500 bouées sont rassemblées au point de passage.
- 1,5 tonne de filets est emballée dans des Big Bags étanches prêts à embarquer sur le Silver Supporter.
- 13 Big Bags de plastique recyclable ont été acheminés à bord du Plastic Odyssey.
Notre système de radeaux fonctionne et s’avère essentiel : on réalise que le cyclone qui nous a retenus à Mangareva quelques jours avant le départ nous aura bien rendu service. Sans lui, on ne les aurait certainement pas préparés avant d’arriver ! Autour d’un dîner revigorant éclairé à la frontale, on visionne les magnifiques photos que Olivier a pu saisir ces quelques derniers jours et cela nous remonte le moral. On fait passer quelques images et le récit de ces derniers jours à bord afin que Marc et Alex puissent publier rapidement des nouvelles de l’avancement de la mission.
Au moment du dessert, on ouvre le bidon de nourriture lyophilisée expédié par notre chef cuisinier Aodren. Une surprise y est cachée : des cookies frais qu’il vient de cuire et qui font l’unanimité sur le camp. Le sourire aux lèvres, chacun part dans sa tente pour une nuit bien méritée de repos.
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